Aimer c’est tout donner

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Homélie
du 5ème dimanche de Pâques

Je vous
donne un commandement nouveau

Pour porter notre effort au bon endroit,
c’est-à-dire là où nous pouvons changer les choses, il est nécessaire de
remarquer avant tout que l’amour parfait est union de sentiments et d’action,
il passe autant par nos mains que par notre cœur. Or, si notre volonté n’a que
peu de pouvoir sur nos sentiments, elle en a en revanche beaucoup pour agir par
nos mains. Il est vrai qu’on ne peut forcer son cœur à apprécier telle ou telle
personne, pas plus que l’on arrive à lui interdire de s’attacher à telle autre.
Certes, nous cultivons un sentiment, nous essayons d’en arracher un autre,
cependant, on ne tire pas sur les plantes pour qu’elles poussent et leur
croissance nous échappe largement.

Bien cultivée, notre affectivité est un don de
Dieu qui peut participer à faire grandir en nous l’amour vrai. Cependant,
celui-ci ne se tient pas dans les sentiments, il a pour essence le don de soi
en acte. « Comme je vous ai aimés » ;
que notre amour doive être à l’image de celui du Christ dit d’ailleurs assez
jusqu’à quelle offrande il nous appelle. « Il
n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime 
» :
Jésus nous entraîne à sa suite dans le sacrifice de notre vie pour les autres
et ce sacrifice intéresse avant tout nos actes extérieurs. Nul ne sait quels
sentiments habitaient le cœur de Maximilien Kolbe lorsqu’il se donna pour la
vie d’un père de famille, nul ne lui demandait même que cette oblation vienne
du cœur. Certes, on a peine à imaginer qu’il ait pu se livrer en ne ressentant
rien pour celui dont il sauvait la vie ; cependant, ce qui compte dans son
offrande, c’est qu’elle fut. En effet, ils étaient des dizaines autour de
Maximilien à souffrir aussi en voyant ce pauvre père de famille suppliant ses
bourreaux, tous sans doute en avaient le cœur brisé ; un seul cependant
s’est avancé pour que sa vie soit prise à la place de l’autre. Celui-là aimait
vraiment.

La plupart du temps, le chemin de nos vies se
parcourt à petits pas. Un jour peut-être notre vie nous sera réclamée, un jour
certainement notre être devra s’abandonner entre les mains du Père. Nous nous
préparons à ce sacrifice par le don de nous-mêmes dans les opportunités que
nous offre le quotidien : laisser l’autre parler avant, offrir un moment
d’écoute à une personne ennuyeuse, choisir volontairement la dernière place,
abandonner son droit pour le bien de l’autre, etc. Notre cœur est présomptueux
ou au contraire pusillanime; tant que les sentiments ne sont pas passés par nos
mains, nous ne connaissons pas leur vérité. Ceux qui souffrent n’ont d’ailleurs
que faire de nos bons sentiments, seuls nos actes peuvent les soulager, et
c’est à ceux-ci que l’on reconnaît les disciples du Christ.

Cette route vers le véritable amour semble
parfois ardue et escarpée, toutefois, à mesure qu’on y avance, on découvre, en
même temps que ses difficultés, une joie unique.

Alors que nous pensions
nous épuiser à mesure que nous donnions, nous constatons en réalité que l’amour
grandit à la mesure de notre sacrifice, l’amour se nourrit du don de soi qui
unit en nous les actes et les sentiments, les mains et le cœur.

Dans le bunker de la faim,
Maximilien se préoccupait encore de ses compagnons d’infortune, aidant chacun à
vivre cette épreuve terrible dans la paix ; et lorsqu’après trois semaines,
un bourreau vint pour l’achever – la mort ne semblant pas vouloir de cet être
de feu – il le vit rayonnant de la joie donnée à ceux qui s’offrent. Amen.