
Homélie du 2ème dimanche de Pâques
Il
était là au milieu d’eux
Au regard des événements du monde, la
résurrection n’est rien. Au matin de Pâques, le soleil s’est levé comme
d’habitude, on a continué à commercer, guerroyer, vivre comme avant, dans
l’ignorance de ce qui venait d’arriver. Nul n’a assisté à ce relèvement dans
une tombe de Judée ; au départ, la résurrection ne concernait que le
Christ lui-même, seul à vivre de cette vie nouvelle. Puis, dans la journée, une
poignée de ses disciples l’ont rencontré, reconnu et embrassé, un nombre très
restreint de personnes au regard de l’immensité du monde. À ses commencements,
la résurrection est discrète comme la flamme du cierge pascal entrée dans cette
église la semaine dernière. Mais elle est complètement nouvelle. Voici que je fais toutes choses nouvelles déclare
dans l’Apocalypse celui qui détient les
clefs de la mort. La vie qu’inaugure le Christ est dans la puissance de
cette nouveauté.
Dieu manifeste sa puissance quand, en faisant jaillir
un homme de la mort, il renouvelle le cœur de tous ceux qui l’approchent :
les apôtres qui étaient désespérés vont porter la nouvelle au monde, Thomas empoigne avec foi celui dont son cœur
mort n’espérait plus rien, tous reçoivent le souffle de l’Esprit Saint de la
bouche du Ressuscité et vont pardonner les péchés du monde. La vie nouvelle du Christ les renouvelle de l’intérieur. A
l’opposé d’un ravalement ou d’un lifting rapides, le Seigneur rénove le cœur
même de l’homme par une opération discrète et patiente. Jésus se fait
véritablement connaître de quelques-uns, leur donne de l’aimer au cours de
trois années de compagnonnage, avant de faire de cet amour pour lui la source
du renouveau de leur cœur. Si les disciples d’Emmaüs, Marie-Madeleine ou Thomas
finissent par le reconnaître, c’est avec les yeux de cet amour-là qui a
longuement gonflé sur les chemins de Galilée, à Jérusalem, et qui a traversé le
Vendredi Saint au pied de la croix ou dans la trahison et la fuite. Jésus leur
a fait vivre pas à pas ce qu’il vivait lui-même afin qu’ils puissent être
renouvelés par sa résurrection.
Ce qu’ont reçu les apôtres en touchant de leurs
mains et en contemplant de leurs yeux le Verbe de vie est un feu qui progresse
avec patience et discrétion. Pourtant nul ne pourra plus éteindre l’incendie
que les apôtres vont porter aux quatre coins du monde. Nous l’avons reçu et
nous savons qu’il est allumé en nous. Il nous reste à le laisser nous brûler totalement.
Comme il atteint le monde entier par les porteurs de la bonne nouvelle, il a à
atteindre le tréfonds de notre être, à mettre la lumière dans nos
ténèbres et la vie dans les lieux nécrosés de nos cœurs. C’est le travail de
notre enfantement à la vie nouvelle. De même que le carême a pris le temps de
creuser en nous la soif et la faim et que nous l’avons trouvé long, nous avons
devant nous un temps pascal tout entier, quarante jours, pour recevoir la
lumière du Ressuscité, pour la laisser briller et envahir nos êtres. Amen.