Faites ceci en mémoire de moi

Homélie de la Sainte Cène 

Afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.

Cette veillée est l’un de ces
soirs où l’on se rencontre en vérité, l’une de ces nuits dont on se souvient toute
la vie car, sous les étoiles, les paroles échangées ont fondé une amitié. Autour
de la table de la Pâque puis au jardin des oliviers, avant de mourir, Jésus
livre à ses disciples le fond de son cœur et leur fait les dons les plus
précieux. C’est ce soir que Jésus donne à l’Église la messe et les prêtres qui
la célèbrent. Pour qu’ils comprennent cette grâce qui leur est faite, il montre
à ses apôtres ce que c’est qu’être prêtre en leur lavant les pieds.

Alors, si nous voulons savoir
ce qu’est un prêtre, regardons Jésus. Il est le prêtre et il ne l’est jamais
autant que dans cet abaissement. Le prêtre est un pont entre le ciel et la
terre, un médiateur ; il est chargé de donner Dieu aux hommes pour les
emmener de la terre au ciel. Nul mieux que Jésus ne peut être ce médiateur car
il est venu des cieux sur terre : lui qui est le Très-Haut, il est
descendu au plus bas. Il est descendu nous chercher et, pour être bien sûr que
tout le monde puisse rejoindre par lui le ciel, il a pris la dernière place, il
s’est abaissé jusqu’à laver les pieds de ses apôtres. Lorsque Pierre refuse de
se faire laver les pieds, Jésus lui répond : « si je ne te lave pas,
tu n’auras pas de part avec moi. » c’est-à-dire « si je ne te lave
pas les pieds, tu ne pourras pas entrer au ciel. » Autrement dit, si Jésus
ne peut descendre jusqu’à Pierre, Pierre ne pourra pas monter jusqu’au ciel.

Voilà le miracle du sacerdoce
nouveau : lorsque Jésus lave les pieds de ses disciples, plus personne
n’est trop loin du ciel. Le Christ prend la dernière place pour ramener tout le
monde vers Dieu et il invite ses apôtres à faire de même : « c’est un
exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait
pour vous. » En leur disant cela, il leur explique la manière dont ils seront
prêtres. S’ils veulent être comme Jésus des ponts vers le ciel, il leur faudra de
même s’abaisser avec lui.  Plus nous
descendons humblement dans le service des autres, plus nous pouvons les mener
haut.

Il est une vieille expression
latine qui nomme le prêtre alter
Christus
– autre Christ. Nous sommes pour vous le Christ, exigez donc des
prêtres qu’ils soient pleinement d’autres Christ et priez pour que nous lui
ressemblions davantage ; car nous sommes toujours tentés de prendre le
titre en dédaignant la place qu’il nous a assignée, de vouloir le pouvoir du
pasteur sans risquer notre peau pour la brebis égarée, de nous déclarer maîtres
sans prendre sa place à genoux et lavant les pieds de ses apôtres ; ce
serait pourtant tout perdre : notre vocation et notre joie.

Nous trouvons notre bonheur dans
le service de ceux pour lesquels le Christ nous a appelés à être son image.
Lorsque nous le suivons un peu, lorsque nous nous abaissons pour laver les
pieds avec lui, lorsque nous laissons l’amour de lui et de nos frères nous
crucifier, nous sommes témoins des merveilles qu’il répand par nos mains. Amen.  

Saint-Michel – 24 mars 2016