Oyez

Homélie du 3ème dimanche du temps ordinaire

“Tout le
peuple écoutait”

L’un des plus grands miracles de la révélation
juive et chrétienne est la parole de Dieu. Je ne veux pas parler ici du livre
de la Bible, sa consignation par écrit, mais bien des mots mêmes de Dieu. Dieu
s’est penché à l’oreille des membres d’un peuple et il a prononcé une parole.
Nous en avons l’exemple le plus parfait dans la prédication de Jésus à
Nazareth. Le Seigneur se tient au milieu du peuple rassemblé et il lit sa propre
parole : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture. » Le
Verbe proclame l’Écriture et annonce qu’elle advient. Il n’y a plus de distance
entre le locuteur, la parole et sa réalisation. Exactement comme au jour de la
création, Dieu dit « que la lumière soit » et la lumière est. La
parole de Dieu est agissante sans délai. Jésus dit : libération et l’homme qui entend est libéré. Comment cela se
fait-il ?

La parole humaine est déjà puissante. Un mot
peut apporter le salut au milieu de la détresse. Certains souffrent de ne
jamais avoir entendu de leurs parents le mot qui leur aurait donné suffisamment
de force pour affronter la vie. D’autres se souviennent à jamais d’un mot qui a
bouleversé leur existence. Nous sommes souvent tendus dans l’attente d’une
phrase qui nous libèrera, qui nous donnera du courage, qui nous affermira dans
le chemin que nous entreprenons. Parfois un simple merci reconnaissant qui
changera la couleur d’une journée. Paroles de consolation, d’autorité,
d’apaisement, de compréhension, d’encouragement, de vérité, les mots viennent
jouer sur autant de cordes de nos cœurs en fonction des situations.

La parole est tellement puissante que cela nous
demande un effort considérable de ne pas tenir compte d’une injure ou pire
encore d’un soupçon entendus à propos d’une personne aimée, même si nous les
savons faux. Cependant, être capable de détruire n’est pas la plus grande force
de la parole car il est bien plus facile d’abîmer que d’élever. La parole
montre son pouvoir quand elle fait grandir des personnes. Nos cœurs sont pétris
des paroles que nous avons reçues. Certes, nous retraçons parfois les origines
de tel aspect de notre personne en le raccrochant à tel discours entendu,
toutefois la plupart du temps, nous sommes incapables de retrouver ce qui nous a
fait tel. Pourtant, ce sont bien les mots d’autres qui sont plantés en nos
cœurs ; remportant l’adhésion de notre liberté, ils ont germé en nous, ils
ont porté du fruit et nous ont modelés.

Si les paroles humaines sont d’une si grande
puissance, combien plus doit l’être la parole de Dieu proclamée par
Jésus-Christ ! « La parole de Dieu est un glaive à double
tranchant » proclame l’épître aux Hébreux. Or, ce qui devrait être n’est
pas. Il y a une distance immense entre la théorie et la pratique dans ce
domaine. Nous devrions être traversés de part en part par les mots du Seigneur
et souvent nous n’en sommes même pas ébranlés. Cette parole devrait être pour
les captifs que nous sommes la libération, pour nous autres aveugles la vue,
pour les opprimés la liberté. Comment lui permettre de porter du fruit en
nous ? Il s’agit de l’écouter. Nous n’accueillons pas la libération qu’elle
vient nous porter parce que nous sommes enfermés sur nous-mêmes. Le serpent se
mord donc la queue : pourquoi Dieu parle-t-il si nous ne savons pas l’entendre ?
Justement pour que nous apprenions à l’entendre. La parole de Dieu vient
trancher le cercle vicieux de l’enfermement sur nous-mêmes. Nous ne sommes pas
capables d’être en pure disponibilité, nous ne savons pas comment sortir de
nous-mêmes pour être vraiment attentifs à l’autre, nous ne prêtons pas
l’oreille à Dieu.

Alors, puisque nous ne savons pas écouter, Dieu
va rendre nos oreilles disponibles en nous parlant. « La parole me
réveille pour que j’écoute, le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille »
déclare Isaïe pour dévoiler cette expérience. N’attendons pas d’entendre, de
comprendre pour présenter notre oreille à la parole de Dieu : si nous lui
offrons le peu que nous avons de notre esprit, de notre énergie et de notre
cœur, l’évangile nous rendra petit à petit disponibles à son écoute. Amen.