
Homélie
du 2ème dimanche du temps ordinaire
L’évangile selon Saint Jean commence comme la
Genèse Au commencement. Il s’ouvre
ensuite par le récit d’une semaine inaugurale dans laquelle le 6ème
jour est occupé par le mariage de Cana. En filigrane, Jean nous manifeste ainsi
la recréation accomplie par le Christ. Le 6ème jour de la Genèse est
celui de la création de l’homme et de la femme, l’histoire de ce mariage de
Cana est donc symbolique du renouvellement de la relation homme-femme que vient
opérer Jésus. Dès les origines, l’homme et la femme sont donnés l’un à l’autre
pour que resplendisse le mystère divin dans leur relation. Souvenez-vous :
À l’image de Dieu il le créa, il les créa
homme et femme. Le verset montre l’homme et la femme comme le reflet de
Dieu dans l’humanité. Chacun n’est jamais qu’une partie de l’humanité et n’a
accès à l’autre moitié de l’expérience humaine que dans la relation. Dans
l’harmonie de leur dialogue, l’homme et la femme ont pour vocation d’être le scintillement
de la gloire de Dieu.
Ton
désir te portera vers ton mari et lui dominera sur toi. L’une des premières conséquences du péché est
d’avoir transformé les regards d’émerveillement en convoitise, l’amour en tyrannie
et la danse à laquelle nous conviait notre vocation en combat à mains nues.
L’image de Dieu n’a pas été complètement détruite par le péché et il reste
encore en nous la marque d’un appel bien plus grand que l’appétit instinctif
pour l’autre : une soif de vivre le don mutuel qui caractérise la vie
divine. Notre bonheur se tient là, à la porte, si proche. Il suffirait de se
donner. Pourtant, le vin manque. La joie est à portée de main mais nos doigts
glissent au moment de la recevoir et elle nous échappe. Nous pensions l’autre
si près. Nous avons vécu des moments de communion intime et il nous semblait alors
que rien ne pourrait plus nous séparer ; nous croyions le connaître, et
nous voici comme étrangers, rejetés chacun sur notre île déserte. Il ne reste
de l’amour qui nous unissait que la lutte de nos volontés de puissance et
chacun dresse des murs bien hauts pour se protéger. Le chemin pour atteindre l’aimé
est barré, nous sommes côte-à-côte et pourtant si loin !
Ils
n’ont pas de vin. Marie voit
notre isolement, elle intercède pour nous et nous confie à Jésus : Tout ce qu’il vous dira faites-le. Les
serviteurs ont accompli les ordres sans bien comprendre. Il est des moments troublés
de la vie conjugale où il n’y a rien à faire que s’en tenir à la parole du
Seigneur en offrant l’eau apparemment inutile des efforts, de la peine et du
don de soi. De ces jarres du 6ème jour, Jésus fait un amour nouveau.
Nous ne sommes pas capables de recréer l’image perdue, nous la pressentons et
pourtant elle est inaccessible. Lui seul le peut et le fait.
Ce miracle de l’union des époux est relié par
Jésus à son heure, ce mot désigne le jour
de son offrande sur la Croix. Autrement dit ce renouveau, cette résurrection du
mariage passe par le sacrifice crucifiant de sa vie. Là se tient la différence
fondamentale, la nouveauté du mariage institué par le Christ : il
fait entrer les époux dans son offrande qui devient l’offrande totale d’eux-mêmes
pour l’autre. Cela n’est pas l’affaire d’un instant, c’est l’œuvre de toute une
vie et nul ne peut parcourir un tel chemin sans Jésus : envisager ce
sacrifice complet et total de
soi-même pour l’autre sans rien recevoir en retour, c’est suivre le Christ sur
la Croix. De cette offrande dont le monde crie la folie, Jésus fait jaillir un
vin nouveau. Il manifesta sa gloire. L’œuvre
accomplie à Cana est celle-là : donner à l’homme et la femme de retrouver
leur beauté première et même plus puisque le vin est meilleur encore. Jésus
ne se contente pas d’apporter son approbation à une réalité qui existait avant
lui, il rénove complètement l’union des époux, il leur donne de rayonner de la
gloire de Dieu et rend ainsi la création à la splendeur de sa vocation. Amen.
Saint-Michel – 17 janvier 2016