
Homélie
du 4ème dimanche du temps ordinaire
Marie se mit en route et se rendit
avec empressement dans une ville de Judée
En
ce dernier dimanche avant Noël, nos regards sont tournés vers Marie. L’évangile
de ce jour en fait son personnage principal alors qu’elle s’empresse vers
Aïn Karem, cette ville de la montagne de Judée où réside sa cousine Élisabeth. Les
propos de cette dernière sont la première annonce à voix haute du secret que
Marie porte dans son sein. Dans ces derniers jours qui nous préparent à Noël,
nous voulons entrer dans le mystère de Marie pour pouvoir nous aussi recevoir
le Verbe de Dieu en notre personne. Mettons-nous donc à l’écoute des paroles de
l’évangile pour contempler la mère du Sauveur.
Heureuse celle qui a cru. La source du don que Marie a reçu est sa foi
en l’accomplissement des paroles. Plus
tard, Jésus fera écho à cette proclamation en disant à propos de sa mère : Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu,
et qui la gardent (Lc 11, 28). Cette béatitude précise l’origine de la bénédiction
qui repose sur Marie : elle s’enracine dans l’écoute de la parole de
Dieu : Marie ne se contente pas d’en entendre les mots, elle laisse cette
parole façonner sa vie. Autrement dit, elle l’accueille d’une attention tout
ouverte à la nouveauté divine. L’annonce qu’est venu lui faire l’ange Gabriel est
à mettre en perspective avec la parole divine méditée par Marie depuis sa
tendre enfance. Les statues de Sainte Anne, la grand-mère de Jésus, la
représente souvent à côté de l’enfant Marie un livre à la main. En le pointant
du doigt, Sainte Anne ouvre l’oreille de sa fille à la révélation divine. Le
livre est un symbole, d’autant que, à cause de leur rareté, les rouleaux
consignant l’Écriture Sainte étaient réservés aux synagogues. C’est pourquoi,
les juifs pieux connaissaient de long passages bibliques par cœur et la
transmission en était encore beaucoup orale. Marie a donc reçu de ses
parents l’annonce faite aux patriarches et aux prophètes. À l’écouter
attentivement, elle s’est préparée à la nouveauté encore inconnue que Dieu préparait.
Elle a cru, c’est dire qu’en laissant le Seigneur la façonner, elle se
disposait à l’action divine ; et lorsque l’ange est venu, sa parole a
résonné à la fois complètement nouvelle et totalement enracinée dans les
prophéties anciennes. En Marie, tout était prêt pour recevoir le Sauveur, alors
même qu’elle ignorait encore qu’elle en serait la mère. Elle est le modèle de
l’écoute : l’oreille ouverte recevant une parole tout autre.
D’où m’est-il donné que la mère de
mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Cette ouverture parfaite à la parole divine donne à la vocation de
Marie un caractère unique. Certes, le récit de sa vocation fait écho à celui
d’Abraham : comme lui, elle reçoit la promesse d’un fils et quitte son
pays après avoir entendu une parole du Seigneur. D’ailleurs, sa parole : tous les âges me diront bienheureuse
reprend la parole dite au père des croyants : en toi seront bénies toutes les familles de la terre. Pourtant, en
Marie, la promesse divine se réalise d’une manière nouvelle tandis que Dieu
accomplit l’œuvre entreprise par l’appel d’Abraham. Ce n’est plus simplement un
fils d’homme qui va naître, mais le fils même de Dieu qui vient en elle se
faire homme. Le choix du Seigneur ne se porte pas ici sur un homme qu’il va
préparer pour une mission particulière, mais il vient lui-même : il est à
la fois l’appelé et l’appelant : en Marie, c’est le Verbe de Dieu qui a habité en l’homme, et qui s’est fait fils
de l’homme, pour habituer l’homme à recevoir Dieu, et habituer Dieu à habiter
en l’homme comme cela paraissait bon au Père (Saint Irénée). Il y a
d’ailleurs un retournement dans cet Évangile : bien qu’encore caché dans
le sein de Marie, le Verbe de Dieu prend soudainement sa place alors que sa
présence est dévoilée à Élisabeth par les tressaillements de Jean-Baptiste et
au monde par la parole d’Élisabeth.
L’enfant a tressailli d’allégresse. Ce n’est pas seulement dans la vie de Marie
que son écoute de la parole de Dieu porte du fruit, elle rayonne autour d’elle
par le don qu’elle nous fait de son fils. Nous voyons ici Marie se rendre avec
empressement en Judée et porter ainsi son fils à travers les plaines et les
montagnes de la Terre Sainte. C’est une image de sa vocation : Marie porte
Jésus aux hommes jusqu’à la fin du monde afin qu’en l’accueillant, ils
tressaillent de joie. Vierge à l’enfant de notre église, Noces de Cana de Véronèse au Louvre, Piéta de Michel-Ange à Saint-Pierre de Rome, chaque représentation
de Marie la montre nous offrant son fils pour être notre roi, notre Dieu,
notre Sauveur. Saluer Marie, c’est toujours recevoir Jésus. Quand s’ouvre à
Marie la porte de notre prière, l’Esprit Saint tressaille de joie en nous et
nous accueillons le Fils du Père. Amen.