
Homélie du 29ème dimanche du temps
ordinaire
En Jésus,
nous avons le grand prêtre par excellence
L’épître aux Hébreux que nous lisons les
dimanches de ce mois d’octobre désigne le Christ comme le grand prêtre par excellence. Si nous voulons savoir ce qu’est un
prêtre, regardons Jésus. L’auteur de l’épître s’explique : il a traversé les cieux, il n’est pas
incapable de compatir à nos faiblesses, mais éprouvé en toutes choses. Le
sacerdoce de Jésus est grandeur et faiblesse. Le prêtre est un médiateur, il
est un pont entre ciel et terre, chargé de donner Dieu aux hommes pour les
emmener de la terre au ciel. Nul mieux que Jésus ne peut être ce médiateur car
il est venu des cieux sur terre : lui qui est le Très-Haut, il est
descendu au plus bas. Il n’est pas resté au ciel en nous appelant de
loin : « par ici, les amis ! » Il est descendu nous
chercher, il a traversé la distance entre le ciel que nous désirons et la terre
dont la pesanteur nous retient. Il a choisi de partager pleinement notre
condition humaine pour être à même de nous conduire vers sa gloire. Ce trajet
est décrit par le prophète Isaïe dans la figure du juste broyé par la souffrance, chargé
des fautes des multitudes – alors même qu’il est innocent – et qui
justifie ainsi les pécheurs. Il a fallu que Jésus aille par sa Passion jusque
dans la mort pour nous en faire sortir. Tel est son sacerdoce qui rétablit le
chemin du ciel et nous réconcilie avec notre Dieu et notre vocation.
Jésus est donc le seul prêtre. Cependant, il
veut partager sa médiation sacerdotale pour qu’elle s’étende à travers les
siècles. C’est pourquoi, quand Jacques et Jean demandent de siéger à ses côtés,
il ne leur refuse pas cette place. Jésus a bien l’intention de partager sa
médiation, son sacerdoce. Il corrige d’ailleurs leur demande : vous ne savez pas ce que vous demandez,
c’est-à-dire : vous croyez mon pouvoir terrestre, vous imaginez que je répartis
les charges comme on distribue des portefeuilles de ministres, mais en réalité
la gloire que vous demandez est d’un autre ordre. Puis, il leur en énonce les
conditions : pouvez-vous boire la
coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être
plongé ? et il ajoute plus loin : celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous :
car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir, et
donner sa vie en rançon pour la multitude. Cette affirmation identifie les
apôtres et Jésus. Jésus a donné sa vie pour nous, il s’est anéanti pour nous
sortir de notre néant. Il appelle ses apôtres à se donner avec lui. Voilà
qu’ils sont en train de monter à Jérusalem et ils imaginent qu’il va
prendre le pouvoir, ils se voient déjà les proches du prochain putschiste, ils
ont tiré le bon numéro ! Certes, ils montent à Jérusalem et il s’agit bien
d’une prise de pouvoir mais c’est en fait une descente dans la vallée de la
mort pour ravir au mal sa puissance sur les hommes. Jésus leur annonce donc ce
que cela signifie que de le suivre dans son triomphe : pas de victoire
sans anéantissement. Ils ne seront pas tout de suite prêts à y répondre :
cette coupe, ils y boiront ; ce baptême, ils y seront plongés, mais ce ne
sera qu’après la Pentecôte dans le don d’eux-mêmes pour la mission de l’Église, et enfin dans le martyre.
L’appel qu’ont entendu les apôtres s’adresse
par la suite à tous les prêtres : configurés au Christ prêtre, ils ont
pour vocation d’être Jésus continué au milieu de l’Église et dans le monde. Une
ancienne expression nomme d’ailleurs le prêtre alter Christus – autre Christ. Comme les apôtres, afin de répondre
à leur vocation, ils n’ont pas d’autre choix que de vivre l’abaissement de
Jésus. S’ils veulent être de véritables médiateurs, il leur faut se donner pour
ressembler à Jésus et rayonner de sa lumière. La mère de Don Bosco lui a dit le
jour de son ordination : Rappelle-toi
mon fils, commencer à dire la messe, c’est commencer à souffrir. Nous,
prêtres, ne sommes pas simplement des tuyaux par lesquels le Christ se
donnerait à vous sans que le canal soit changé. Jésus brûle ceux à travers qui
il passe pour leur donner de rayonner de la lumière de son visage. Célébrer la
messe, c’est vivre la joie de la résurrection mais non sans monter avec Jésus au
calvaire de la Croix, non sans s’allonger à ses côtés dans le tombeau et dans
la mort. On ne peut pas donner Jésus, on ne peut pas espérer être Jésus pour
les autres sans vivre sa vie, son anéantissement, sa passion et sa mort. Le pain que je donnerai c’est ma chair pour
la vie du monde. C’est de son corps et de son sang qu’il nous nourrit. Ses
prêtres sont appelés à livrer aussi leur vie, leur corps et leur sang pour
donner la vie de Dieu à son peuple. La tentation d’en faire un pouvoir
terrestre existe en tout prêtre comme elle habitait la demande de Jacques et
Jean, la tentation de la fuite au pied de la croix nous travaille aussi comme
elle a traversé les apôtres au soir du Jeudi saint, aussi avons-nous besoin de
votre prière pour que nous tenions notre poste, pour que nous restions
accrochés à la croix et que nous ne reculions devant aucun don. Amen.
Saint-Michel – 17 octobre 2015