Jesus forever

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Homélie des Rameaux

« Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. »

L’ambiguïté de ce jour souligne la fidélité de Jésus. D’un côté, nous entendons les cris de louange de la foule : « Hosanna au fils de David », nous voyons les rameaux agités et Jésus qui entre royalement dans Jérusalem monté sur un ânon ; de l’autre côté, il y a des cris différents : « Crucifie-le », le roseau qui frappe Jésus et
le bois de la croix dont il fait son trône. Dans ce renversement de situation,
le Christ reste le même.

En quelques jours tous se sont retournés contre lui mais
Jésus, lui, n’a pas changé. Ils l’ont adoré puis trahi, son amour à lui n’a pas
changé. En plein triomphe, il ne se laisse pas griser mais sait ce qui
l’attend, en pleine agonie, il garde l’espérance en son Père qui le sauvera de
la mort. Stat crux dum volvitur orbis
disent les chartreux. Les empires se font et se défont, les fortunes s’amassent
puis sont dilapidées, les célébrités sont adulées et oubliées, et si ce
n’étaient que ces choses extérieures qui disparaissaient ! mais, pire
encore, ce qui nous anime à l’intérieur est incertain : nous finissons par
piétiner les idéaux que nous pensions inébranlables, il ne nous reste parfois
qu’un souvenir d’amitiés que l’on croyait éternelles et même les liens
familiaux peuvent se distendre et rendre étrangers nos plus proches. Tout passe.
Sur quoi pouvons-nous donc vraiment compter ?

La terre tourne, mais elle a un point fixe, c’est le Christ.
Sans rigidité, il est resté fidèle. Il avait aimé les hommes en recevant leur
affection au jour des Rameaux, il les aime en recevant leur haine au jour de sa
passion. Ce n’est pas que son amour supporte tout cela sans être troublé, au
contraire, il en souffre d’autant plus qu’il nous aime ; mais il voit, par
delà les humeurs changeantes de sa créature, les personnes qu’il a créées et
leur bonté. Il voit la grandeur du cœur de l’être le plus haineux qu’il croise
sur son chemin de croix et veut lui faire miséricorde. Quel que soit ce qu’il a
fait, personne ne perd jamais complétement la capacité d’aimer et d’être aimé.
C’est cela que le Christ contemple dans ceux qui le louent et dans ceux qui le
frappent et c’est pour cela qu’il les aime. C’est cela qu’il contemple en
chacun de nous, c’est pour cela qu’il veut nous faire miséricorde et que son
amour reste inébranlable.

Nous-mêmes, dans les changements de ce monde, dans le
tourbillon de la vie, nous désirons l’étoile du berger qui sera notre point
fixe. Nous cherchons la sécurité d’un toit solide, d’amis fidèles et d’un
conjoint avec lequel bâtir un foyer pour la vie. Nos cœurs, bien que souvent
inconstants, ont au fond d’eux le désir d’un amour qui dure toujours. Parce
qu’il nous a aimés sans mesure et sans limite, le Christ est celui en qui nous trouvons
cet amour. C’est enraciné en Jésus que le mariage peut gagner contre l’usure du
temps, que l’amitié construit de l’éternel. C’est fondés en lui que nous
traverserons toutes les épreuves, les années, car elles se chargent de nous
retirer – petit à petit ou bien d’un seul coup –  les assurances que nous pensions nécessaires
pour continuer à vivre. Lorsqu’en définitive tout cela nous sera enlevé par la
mort, il nous restera le Christ et ce que nous l’aurons laissé construire en
nous.

Ce dimanche est donc celui du choix, d’un choix plein qui
nous emplisse tout entier depuis les pieds jusqu’au bout de l’âme, d’un choix
dans lequel nous livrerons tout notre passé et nous gagerons tout notre avenir.
Aujourd’hui, lions notre sort à celui de Jésus, choisissons de nous accrocher de
toutes nos forces et de tout notre cœur à la croix du Christ comme à notre
phare dans la tempête, car la tempête viendra : ce sera cette semaine, ce seront
toutes les semaines saintes de nos vies où nous devrons porter la croix et
vivre la passion. Alors il nous restera à nous attacher encore plus fort à lui.
Nous ne pouvons pas préjuger de notre fidélité, mais nous pouvons choisir
aujourd’hui d’être fidèles, nous pouvons dire au Christ que c’est sur le rocher
solide et inébranlable qu’il est que nous voulons construire notre maison. Aujourd’hui,
mettons nos pas dans les siens pour vivre cette semaine avec lui, attachés à sa
croix. Amen.

 

Saint-Michel – 29 mars
2015