Point final

Saint-Michel – Dimanche 23 novembre 2014

Christ-Roi

 

« Quand le Fils de l’homme viendra »

La grande consolation de ce dimanche, c’est que le film a une fin. Nous ne serons pas laissés éternellement dans le suspens de cette vie. Un jour viendra où nous aurons le fin mot de l’histoire. Le bâtiment qui se construit ici-bas a une clef de voûte et c’est le Christ. En temps voulu, il achèvera son œuvre. C’est une bonne nouvelle car nous aspirons à cette fin. Il n’y a qu’à voir la manière dont nous sommes suspendus à la conclusion d’un film ou l’angoisse qui peut nous étreindre lorsque nous sommes empêchés de finir un jeu, lorsque nous attendons l’épisode suivant d’une série haletante ou, plus sérieusement, lorsqu’un projet nous est retiré avant que nous ayons pu le mener à son terme.

De même, nous aspirons à ce dernier mot de l’Histoire que le Seigneur proclamera.  Avec cette aspiration naît l’angoisse car, tant que la conclusion n’est pas prononcée tout est possible. Les retournements de situation les plus invraisemblables sont encore envisageables. Le pire des affreux peut devenir un saint et le meilleur peut chuter lourdement. Il n’en ira plus de même à la fin des temps ; en effet, les paroles de Jésus dans le jugement dernier que nous avons entendues sont définitives. Nous craignons cette parole finale parce qu’elle est sans appel, mais nous oublions que, si elle est sans appel, c’est parce qu’elle est vraie et qu’elle nous délivre : on ne fait pas appel d’un jugement qui donne la libération.

Elle est vraie. Le jugement que Jésus prononce dit enfin la vérité de ce que nous sommes. Nous en serions bien incapables par nous-mêmes. Qui peut dire qui il est ou ce qu’il désire vraiment ? Jésus révèle au dernier jugement le fond du cœur de chaque homme. Ne nous y trompons pas : ceux qui sont envoyés loin de Dieu sont ceux qui ont désiré qu’il en soit ainsi, le ‘châtiment éternel’ dont parle l’Évangile n’est pas une punition appliquée de l’extérieur mais le désir de ceux qui ne donnent pas à boire, n’accueillent pas, ne visitent pas, etc. Les réprouvés n’ont pas ce qu’ils méritent, ils ont ce qu’ils désirent, Jésus ne fait que manifester cette volonté d’isolement et en combler ceux qui ont voulu s’éloigner de leurs frères et de lui. Il en va de même en sens inverse pour les sauvés : Jésus leur montre ce qui habite leur cœur, le désir qui les pousse vers lui et il comble ce désir. Bien sûr nous pouvons trembler aujourd’hui de si peu nous connaître et d’ignorer donc ce que le Seigneur ne nous montrera qu’à la fin. Mais en réalité, cela nous encourage à arrêter de mettre notre confiance en nous-mêmes et en nos réalisations pour la placer tout entière dans le Seigneur.

Seule la vérité délivre. Ce jugement nous sauvera parce qu’il nous mettra enfin de manière définitive dans la vérité que nous cherchons encore à tâtons. Notre plaie ici-bas c’est l’inconstance. Voilà que nous vivons un moment de paix, mais nous n’avons pourtant aucune certitude qu’elle durera. Nous voulons être fidèle à nos engagements mais nous n’avons aucune assurance que nous le serons effectivement. Nous espérons persévérer dans notre foi mais nous craignons de la perdre. Nous avons de grands désirs et nous en accomplissons si peu. Bref, nos cœurs sont partagés et notre vie est faite de dispersion, au point que nous nous demandons quel est son point fixe – sommes-nous ce que nous sommes aujourd’hui, ce que nous étions hier ou ce que nous serons demain ? Ce qui fait l’unité de notre vie en cet instant ne disparaîtra-t-il pas demain ? J’irai délivrer mes brebis de tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de brouillard et d’obscurité.

Aujourd’hui, le Seigneur nous annonce qu’un jour cela cessera, qu’enfin nous serons établis fermement en lui, qu’il sera notre roi et qu’il régnera sur nous sans partage. Cette séparation que le Seigneur opère entre le bon grain et l’ivraie, est une bonne nouvelle parce qu’enfin nous serons sûrs d’être ancrés en lui, sans craindre l’éventualité de notre propre infidélité. Enfin, la tentation et le péché qui en résulte seront rejetés loin de nous. Lorsque le Seigneur nous dévoilera notre désir de lui, il nous donnera aussi de l’accomplir sans hésitation. Nous ne tergiverserons plus mais nous serons enfin pleinement et dans le moindre de nos actes, du fond du cœur jusqu’au bout des ongles, unifiés dans le Seigneur. Amen.