Dieu n’est pas gentil

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Saint-Michel – Dimanche 12 octobre

28ème dimanche du temps ordinaire

Le roi se mit en colère.

Dieu n’est pas gentil. Il suffit pour en être convaincu d’avoir écouté la parabole d’aujourd’hui. Si nous avions encore à l’esprit des vitraux de grand-papa aux joues grosses de sucreries, des images d’un bon Jésus douceâtre et moelleux, des dieux en chocolat fourré au caramel, le discours de Jésus les nettoie au karcher. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Puis, un peu plus loin, un pauvre bougre récupéré dans la rue à la dernière minute se voit soudainement jeté dehors pieds et poings liés sous prétexte qu’il n’a rien répondu à ce même roi qui lui demandait pourquoi il ne portait pas la tenue correcte exigée. Faudra-t-il donc remplacer le bon grand-père barbu par un tyran sanguinaire, un maître sans pitié dont la sentence peut être aussi soudaine qu’injuste ?

Dieu n’est pas gentil, mais serait-il donc méchant ? La grande difficulté de toute parabole, c’est d’en comprendre le sens sans pour autant la lire au pied de la lettre. Si Jésus s’exprime en parabole, c’est précisément pour nous parler des choses du ciel qui ne peuvent être dites de manière plate et littérale. Nos mots sont toujours trop courts à traduire les choses de Dieu, ils doivent emprunter des détours comme il faut faire des lacets en montagne pour atteindre le sommet sans faire une crise cardiaque. Dire Dieu réclame donc un langage symbolique plus à même de dévoiler ces vérités. Pour comprendre la parabole sans faire de Dieu le potentat autoritaire et sadique qu’elle semble nous décrire, il nous faut saisir cela. D’ailleurs, si Jésus avait voulu nous expliquer que Dieu était un tortionnaire pervers, il n’aurait pas employé une parabole, il lui aurait suffit de dire : au Royaume des Cieux, si vous n’êtes pas bien habillés, Dieu vous jettera.

Lisons donc la parabole comme telle et essayons d’en comprendre le sens allégorique : ce roi qui ouvre son domaine à tous après avoir été rejeté par ses amis, mais qui ensuite exige le vêtement de noce pour qu’on puisse y conserver sa place, c’est une image du Royaume des Cieux bien sûr ; et cette image nous dit que Dieu n’est pas gentil, ou pour être plus clair, il n’est pas gentillet ; car s’il n’est pas un autocrate barbare, il n’est pas non plus un régent complaisant et démagogique. Il appelle toute l’humanité à partager son festin mais c’est pour mener toute l’humanité et chacun de nous à la sainteté, pas pour nous maintenir dans notre état déficient actuel en nous disant : c’est bien les enfants comme font les mauvais (mais gentils) éducateurs plus préoccupés de l’affection qu’on leur porte que du bien de ceux dont ils ont la charge.

Dieu n’est pas gentil donc, mais il est bon ; plus encore, il n’est pas gentil parce qu’il est bon. Il sait ce que nous sommes, il sait notre grandeur, il sait la taille à laquelle il nous a créés. Nous sommes des créations de haute couture, et nous pourrions nous présenter devant lui en prêt-à-porter Tati ? Il n’est pas digne de nous que nous acceptions la médiocrité et le Seigneur la refuse pour nous. Ce festin du roi, nous y sommes à la messe. Parmi nous, il y a tout ce que l’humanité compte de bons et de méchants, des hommes et des femmes venus de partout, récupérés au gré des chemins par les serviteurs du roi, ceux qui nous ont transmis la foi.

Nous sommes devant notre roi et il n’y a plus moyen de cacher notre médiocrité derrière de faux-semblants. Aucune simulation n’a cours devant lui, il voit le fond de notre cœur, il voit trop bien que nous vivons en-dessous de nous mêmes. Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ? L’homme de la parabole s’est tu, ne restons pas silencieux. Disons à ce bon maître tout ce qui nous maintient dans la bassesse, tout l’illogisme de nos vies que nous aimerions voir disparaître pour que resplendisse la blancheur de notre baptême. Disons-lui ces petites trahisons qui ne cessent de nous coller à la peau alors que nous voudrions être revêtus de fidélité, ces médisances jaillissant trop vite de nos bouches alors que nous voudrions être habillés de charité, ces réunions à moitié préparées alors que nous voudrions être parés d’excellence, etc. Renonçons donc nous aussi à être gentils avec nos propres personnes, cessons de vivre en-dessous de nous-mêmes, soyons exigeants de l’exigence divine, faisons taire les « on fait ce qu’on peut » et commençons à être ce que Dieu veut, laissons-le nous faire croître en qualité, en grâce, en sagesse pour atteindre enfin la taille à laquelle il nous appelle. Qu’il brûle nos bassesses au feu de sa Bonté pour que nous apparaissions enfin tout rayonnants dans le vêtement de noce qu’il a préparé pour chacun de nous. Amen.