Souvenirs souvenirs

SAINT-HIPPOLYTE – 26 AVRIL 2014

DEUXIÈME DIMANCHE DE PÂQUES

Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant.

La semaine dernière, éblouis par la lumière, nous avons contemplé le Christ dans toute sa gloire de ressuscité. Huit jours se sont écoulés et voici pour nous le moment d’entrer plus avant dans la connaissance du Seigneur. Nos yeux s’habituant à sa lumière, nous pouvons contempler les détails de son triomphe, les traits de son visage et ce qu’il est advenu de ses plaies. Lors de l’annonce de la Résurrection, oubliant toutes les peines du Vendredi Saint, nous avons eu tout d’abord un moment de pure joie. Nous étions alors tout à notre bonheur de le savoir ressuscité et les Alléluia dont débordaient nos cœurs nous avaient fait oublier les chants de douleurs et les pleurs du pied de la Croix.

Comme après toutes nos victoires, l’exultation fait place à la mémoire. Le temps de la jubilation s’allonge et s’approfondit, notre allégresse se souvient alors des événements qui nous menèrent à ce triomphe. À la joie spontanée des défilés de la Libération, a succédé la joie plus réfléchie qui sait quels sacrifices ont été le prix de la paix. En août 1944 on célébra un triomphe, les années suivantes on célébrait une commémoration. Il y a entre le triomphe et la commémoration une distinction analogue à celle du dimanche de Pâques avec celui-ci.

Maintenant que la Croix est passée et que le Christ a triomphé, il nous reconduit à la lumière de la résurrection dans les méandres de nos mémoires pour nous faire miséricorde. Avance ton doigt, mets ta main dans mon côté. La résurrection n’a pas fait disparaître les plaies. Telles des cicatrices, elles restent la marque de l’histoire désormais paisiblement assumée et non douloureuse. Des clous qui nous assurèrent le salut et de la lance qui transperça le côté, il reste cette source de lumière et de vie : les plaies glorieuses du Christ ressuscité.

Ce dimanche est donc le dimanche de la mémoire. Nous savons qu’il n’est pas simple de faire mémoire de notre vie. Nous risquons trop de nous regarder en nous désolant ou de nous consoler en nous comparant. Seul le soleil du Ressuscité peut nous donner de voir nos plaies pour ce qu’elles sont, lui seul peut aussi nous donner de nous souvenir des lieux douloureux de nos vies qui ont été guéris par son pardon, lui seul peut enfin envahir de sa lumière ce qu’il reste de ténèbres. Nous appelons ce dimanche, dimanche de la Miséricorde Divine depuis que Jean-Paul II l’a décidé pour suivre la volonté d’une sœur polonaise qui en avait elle-même reçu l’inspiration du Christ. Dimanche de la mémoire ou dimanche de la miséricorde, c’est dire la même chose, car il n’y a que la miséricorde divine qui puisse faire mémoire du passé en vérité.

Il ne s’agit pas simplement de notre passé personnel mais aussi de notre passé familial, paroissial, national ou ecclésial. Dans chacun de ces domaines, il y a encore des nœuds et des ténèbres. Nous pouvons être tentés soit par le remords, soit par le tabou. Seule la miséricorde peut nous donner de savoir nous retourner pour regarder notre histoire en face et contempler dans la lumière pascale les plaies qui nous hantent. La miséricorde est celle qui dit la vérité, accepte la réalité, montre la blessure sans que cette vérité, cette réalité, cette blessure ne soit accusatrice. Elle libère car elle met la lumière pour délier les nœuds du passé. Elle plonge nos plaies dans la marque des clous et nos maladies au fond du cœur transpercé de Jésus. Nos croix s’unissent ainsi à la croix du Christ pour nous emporter dans sa vie de ressuscité.

En ce dimanche, osons. Osons nous approcher du Ressuscité, et laissons-le prendre sur lui nos blessures, nos plaies, nos maladies intérieures, laissons-le nous dire : mets-ton doigt dans la marque de mes clous, plonge ta main dans mon côté. Amen.