Épiphanie

5 JANVIER 2014 – SAINT HIPPOLYTE

1re lect. : Is 60, 1-6

Ps : 71, 2.7-8.10-11.12-13

2e lect. : Ep 3, 2-3a.5-6

Évangile : Mt 2, 1-12

  

Un grand mystère est dévoilé en ce jour, il est dévoilé aux yeux de tous mais tous ne l’aperçoivent pas. C’est ce qu’annonce Saint Paul dans la deuxième lecture : Dieu m’a fait connaître le mystère du Christ. Il ne l’avait pas fait connaître aux hommes des générations passées. Une lumière rayonne aujourd’hui, elle nous révèle ce qui jusque là était caché, c’est d’ailleurs ce que signifie le mot épiphanie : manifestation. Qu’est-ce qui est manifesté ? Tout semble tellement obscur dans cet évangile : un petit enfant et sa mère dans une ville quelconque de Judée. La seule chose qui resplendisse, c’est l’étoile qui guide les mages.

Quel est-il donc ce mystère manifesté ? Est-ce l’étoile qui apparaît dans le ciel ? Certains cherchent en effet dans le ciel des mystères cachés ; en faisant de l’astrologie, ils espèrent connaître le futur et les secrets de nos vies. Mais il y a une grande différence entre cette étoile et celles que suivent les astrologues. En effet, les astrologues prétendent que nos vies obéissent aux étoiles, que nous sommes donc subordonnés aux étoiles et à leurs mouvements. Si le ciel est disposé ainsi au jour de ta naissance, tu auras tel caractère, etc. Or, l’étoile que décrit l’évangéliste Matthieu agit à l’inverse : l’enfant n’est pas le sujet des étoiles mais une étoile lui obéit et vient se placer au-dessus du lieu où il habite. En scrutant les étoiles, les mages n’y déchiffrent pas les révélations cachées que leur astrologie attendait mais ils découvrent une étoile qui les mène à un mystère plus grand qu’elle-même. C’est pour aller au bout de leur recherche qu’ils se mettent en route afin de rencontrer celui à qui les étoiles obéissent. L’étoile n’est donc pas le mystère manifesté, elle n’est qu’un signe de ce mystère plus grand, elle est comme un panneau indicateur mais elle n’est pas la révélation qui est faite en ce jour de l’épiphanie.

Si ce n’est l’étoile, sont-ce les mages d’Orient qui portent le mystère dont parle Paul ? Ils sont certainement pleins de science puisqu’ils ont su déchiffrer le signe de l’étoile. Leurs présents disent aussi quelque chose. On offre de l’or à un roi, c’est ce dont il est couronné ; on offre de l’encens à Dieu lui-même, son parfum dit notre prière montant vers le Seigneur ; on offre de la myrrhe à un mort, c’était le parfum dont on les embaumait. Les mages annoncent donc par leurs présents la royauté et la divinité de ce petit enfant, ils présagent aussi sa passion en lui offrant déjà le parfum du sépulcre. Les mages ont apparemment compris pas mal de choses sur cet enfant qui naît. Comment l’ont-ils compris ? Ils ne sont pas juifs, ils n’ont pas grandi dans l’attente du Messie et pourtant leur quête intérieure, leur recherche toute humaine mais très droite de la vérité les mène à Jérusalem. Cette étape de Jérusalem nous indique que les mages ne saisissent pas complètement ce qu’ils sont venus chercher. Par eux-mêmes et aidés de l’étoile, ils ont pu parcourir un bout de chemin, mais ils viennent humblement demander la fin de la route au peuple juif et à ses écritures. Les mages ne portent pas le mystère manifesté en ce jour, ils sont à sa recherche dans l’obscurité, et ils auront donc besoin de la lecture des prophètes pour être envoyés à Bethléem et y trouver l’enfant-roi qu’ils désiraient contempler.

S’il n’est ni l’étoile, ni les mages, quel est-il le mystère manifesté en cette fête ? Ce mystère, c’est ce que désigne l’étoile, ce que poursuivent les mages : l’enfant Jésus dans les bras de sa mère. Le grand mystère, celui que proclament les étoiles et la création toute entière, celui qu’appelle toute l’humanité, celui qu’annonçaient les prophètes, c’est le fond du cœur de Dieu, son projet d’amour pour tous. Revenons au texte de Saint Paul, car c’est lui qui nous donne le sens intérieur des évènements décrits par l’évangile : Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. Que signifie les païens ? Tout simplement l’humanité toute entière, et non seulement les juifs. Le mystère, ce qui habite le cœur de Dieu depuis la création du monde, c’est donc la rencontre personnelle de chaque homme et chaque femme de partout et de tous les temps. En ce jour, nous découvrons que le Seigneur n’est pas venu pour un peuple sélectionné, mais qu’en s’incarnant, en se faisant l’enfant d’un peuple, le peuple juif, il vient pour chacun et pour tous. Ce n’est pas pour rien que nous représentons les mages dans la crèche par des hommes de races différentes : Melchior, Gaspard et Balthasar : un asiatique, un africain, un européen. Le monde entier cherche la crèche car c’est pour le monde entier que Dieu est né dans une crèche. Cela doit renouveler radicalement notre façon de voir le monde, en particulier dans notre ville cosmopolite aux visages bigarrés, aux multiples regards et aux langues disparates. Jésus n’est pas venu uniquement pour ceux qui sont du « club », pour ceux de son peuple ou pour ceux qui sont nés dans l’église. Il n’y a pas un visage de notre monde que Jésus ne connaisse, pas un regard humain qu’il ne veuille croiser, pas un cœur qu’il ne veuille rejoindre de son amour. Tous sont associés au même corps dans le Christ Jésus, dit Paul et il ajoute : par l’annonce de l’Évangile. C’est à nous que Dieu a confié ce grand mystère de son amour pour tous, c’est à nous de partager à tous la joie de la crèche, c’est à nous d’annoncer au monde la bonne nouvelle de ce Dieu qui s’est fait pour nous petit enfant dans les bras de sa mère. Amen.