Dieu d’Abraham

10 novembre 2013 – Saint-Hippolyte

XXXIIe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

1re lect. : 2 M 7, 1-2.9-14
Ps : 16, 1ab.3ab, 5-6, 8.15
2e lect. : 2 Th 2, 16 – 3, 5
Évangile : Lc 20, 27-38

 

Quelle drôle de discussion entre Jésus et les saducéens ! Ils ne croient pas en la résurrection, soit, mais pourquoi un raisonnement si étrange faisant entrer en jeu une femme épousant sept frères pour donner une descendance au premier d’entre eux ? Pauvre femme qui doit subir les uns après les autres les membres d’une fratrie ! Les saducéens font une sorte de raisonnement par l’absurde et posent certainement la question à l’envers.

Pourtant le raisonnement de Jésus n’est pas plus simple. Il dit tout d’abord qu’à la résurrection on ne se mariera plus – réglant donc le problème de cette femme que les saducéens voyaient polygame au ciel – puis il ajoute que Dieu s’appelle le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, et que, donc, Abraham, Isaac et Jacob sont vivants. Quel argument bizarre ! À vrai dire, on ne voit pas en quoi cela affermit notre foi en la résurrection, et puis ce que cela nous apprend sur la vie éternelle.

Pour bien comprendre ce que veut dire ici Jésus, il faut donc nous pencher un instant sur ce que signifie cette expression Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. En effet, lorsque nous, nous disons mon Dieu, ton Dieu, nous parlons du Dieu auquel nous croyons. Il y a le Dieu de Jean, c’est le Dieu auquel croit Jean, celui de Rachid, c’est celui auquel croit Rachid. Mais ce n’est pas du tout dans ce sens-là que Jésus dit le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Nous savons bien qu’Abraham, Isaac et Jacob croyaient au même Dieu. En fait, c’est exactement l’inverse que cela signifie : le Dieu d’Abraham, ce n’est pas le Dieu auquel croit Abraham mais le Dieu qui croit en Abraham, qui fait alliance avec Abraham au point d’adjoindre son nom au sien et de s’appeler désormais le Dieu d’Abraham.

Le fait que Dieu prenne notre nom signifie quelque chose d’extrêmement fort. Lorsque deux personnes se marient, elles prennent aussi généralement le même nom. En étant nommées de la même façon, elles disent que leur alliance est tellement fondamentale pour leur vie à chacune qu’on peut les appeler toutes les deux de la même manière. En Abraham, en Isaac, en Jacob, Dieu s’unit à l’histoire de chacun de ces hommes au point de prendre leur nom pour le sien. Dieu d’Abraham devient le nom propre de Dieu, mais aussi Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, etc. Dieu de Jésus bien sûr mais aussi Dieu qui porte le nom de chacun d’entre nous.

À notre baptême, nous avons été baptisés au nom de Dieu (Père, Fils et Saint-Esprit), nous avons pris le nom de Dieu, et en même temps, lui a pris chacun des nôtres. Dieu de Marie-France, Dieu de Jean-Pierre, Dieu de Dominique, etc. Dieu prend notre nom, cela évoque l’histoire de Jésus apparaissant à Thérèse d’Avila, dont le nom de religion était Thérèse de Jésus et lui disant : Tu es Thérèse de Jésus, eh bien, moi, je suis Jésus de Thérèse. Il a tellement pris notre nom en faisant alliance avec nous que l’Ecriture dit même qu’il a gravé notre nom dans les paumes de ses mains (Is 49, 15).

C’est le cœur de l’argumentation de Jésus aux saducéens : comment peut-on imaginer que ce Dieu qui a fait alliance avec nous, qui a pris notre nom, qui nous a gravés dans les paumes de ses mains, comment peut-on imaginer, s’il est le Dieu de la vie qu’il puisse nous laisser sombrer dans la mort ? Tu ne peux m’abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption (Ps 15), telle est la certitude des croyants. Bien que nous restions dans une certaine ignorance quant à ce qui nous attend après la mort, nous savons que le Seigneur qui s’est uni de manière indéfectible à nous est fidèle et qu’il ne pourra laisser dans les ténèbres ceux sur qui il a fait briller sa lumière.

Lorsque tous les dimanches nous disons je crois à la résurrection de la chair ou bien j’attends la résurrection des morts, nous ne sommes pas en train de proclamer notre croyance en un avenir ésotérique, nous ne sommes pas non plus en train de nous rassurer face à la mort car nous restons dans l’ignorance quant à ce en quoi consiste exactement cette résurrection ; mais nous disons notre confiance en Dieu qui a fait alliance avec nous. Nous disons que nous croyons en ce Dieu de la vie et que nous savons qu’il ne peut abandonner ses enfants, ceux qu’il a créés, ceux qu’il aime et auprès de qui il est à chaque instant, ceux auxquels il est si attaché qu’il aime porter leur nom.

En ce mois de Novembre, notre prière est particulièrement habitée par les défunts, pour ceux qui nous ont précédés. La mort nous en sépare, elle est une véritable déchirure, mais nous pouvons demander au Seigneur Jésus de nous emplir d’une très grande confiance en lui. Il n’a pas fait la mort et ne se réjouit pas de la mort de ses enfants, il ne désire pour nous que la vie. Demandons-lui donc de ne pas nous abandonner à la mort et de faire grandir en nous l’espérance de cette vie véritable. Amen.