Toussaint

31 octobre 2013 – Saint Hippolyte

1re lect. : Ap 7, 2-4.9-14
Ps : 23, 1-2.3-4ab.5-6
2e lect. : 1 Jn 3, 1-3
Évangile : Mt 5, 1-12a

Pourquoi des saints ? N’avons nous pas assez d’un Sauveur ? Est-ce que cela ne nous suffit pas que Jésus-Christ soit au ciel ? Pourquoi y ajouter une ribambelle de personnages connus et inconnus ? Et, quand bien même nous croyons qu’ils y sont, pourquoi les prier ? 

Ce soir, à la veille de cette fête où nous les célébrons tous à la fois, je voudrais que nous levions un peu les yeux pour regarder le ciel où se trouvent ceux qui nous ont précédés. En regardant cette foule immense décrite par Jean dans le passage de l’Apocalypse que nous avons lu, cherchons à comprendre ce que leur présence au ciel nous enseigne, ce que leurs vies nous apprennent, laissons-nous entraîner à la même sainteté en méditant sur les enseignements de leur histoire.

Le premier enseignement que nous apportent les saints, c’est que la vie éternelle n’est pas un conte imaginaire. Ils la connaissent déjà et, par le fait qu’ils soient auprès de Dieu, ils nous encouragent à ne pas nous arrêter à la vie ici-bas mais à lever les yeux, à élever nos cœurs, ils nous emplissent d’espérance : un jour nous aussi nous serons auprès de Dieu, un jour il essuiera toutes larmes de nos yeux et nous accueillera au ciel, alors nous rejoindrons la multitude des saints qui s’y trouvent déjà. Dieu sera tout en tous. Quelle fête que ce jour où nous contemplerons avec eux la splendeur de Dieu qui illuminera le visage de chacun ! 

En tournant nos regards vers l’avenir, les saints nous enseignent à vivre le présent. C’est le deuxième enseignement. Il ne s’agit pas simplement d’attendre le paradis en se disant que ça ira mieux là-bas. Si les saints constituent le ciel, c’est parce qu’ils ont déjà vécu du ciel sur la terre. Il n’y a pas de rupture complète entre le ciel et la terre et ce que nous sommes aujourd’hui est déjà le germe de ce que nous serons après notre mort. Lorsque nous lisons les vies des saints, lorsque nous nous penchons sur leur histoire, nous découvrons que ce sont des êtres qui ont vécu du ciel ici-bas. Par leur union au Christ, ils ont voulu faire de la terre le Royaume des cieux. Par leur foi, par leur charité, par leur espérance, par leur action et leur prière, ils ont travaillé à ce que notre monde reçoive un peu de la paix et de la lumière qui viennent de Dieu : Saint François retrouvant les racines de l’évangile et les offrant à tous, Bienheureuse mère Teresa luttant contre la misère dans l’océan de détresse qu’est l’Inde, Saint Damien de Molokaï allant vivre au milieu des lépreux pour leur procurer l’amour dont ils avaient tant soif, Sainte Thérèse de Lisieux devenant semblable à un enfant et enseignant cette simplicité à tous, etc. 

Leur vie au ciel n’est pas différente de celle qu’ils ont connue sur la terre. Seule la souffrance en a disparu, mais leur cœur, déjà tout offert au Christ et à leurs frères sur cette terre, était prêt à recevoir ce don plénier que Dieu veut nous faire à tous.

C’est le troisième enseignement que nous pouvons tirer de la contemplation des saints, il se trouve aussi dans l’évangile que nous avons lu, celui des béatitudes. Si les saints ont accompli des merveilles, c’est parce qu’ils ont laissé rayonner et croître en eux la personnalité de Jésus-Christ. Comme s’il faisait son autoportrait, il donne huit facettes de sa personne dans les béatitudes. Le pauvre de cœur et le pur, le doux et l’affligé, le miséricordieux et l’assoiffé de justice, l’artisan de paix et le persécuté, c’est bien lui. En décrivant Jésus-Christ, les béatitudes récapitulent le programme de la sainteté : les saints ne sont pas des héros parfaits, la sainteté n’est pas une perfection morale acquise à la force de la volonté, elle n’est pas la prime accordée à ceux qui ont peiné sur la terre, elle n’est pas une décoration de guerre, mais elle est la bénédiction que Dieu étend dès aujourd’hui sur ceux qui veulent bien l’accueillir : Heureux ! C’est Dieu et Dieu seul qui peut nous donner un cœur pauvre et pur, faire de nous des doux, creuser en nous la soif de justice, bâtir à travers nous la paix et nous rendre miséricordieux. Bien sûr, cela ne se fera pas sans larmes ni persécutions, car si nous voulons recevoir cette union plus grande à Jésus-Christ, il est certain qu’il nous faudra passer par la croix avec lui.

Dans l’histoire des saints, c’est donc la bénédiction de Dieu que nous voyons s’étendre à travers les siècles. La croix du Christ plantée en terre fructifie, nous en goûtons les fruits en rencontrant les saints et nous sommes appelés à la laisser fructifier en nous aussi. Cette sainteté ne nous apparaît pas à l’œil nu, mais, depuis notre baptême, elle germe déjà en nous. Nous la voyons germer quand nous sommes heureux de faire le bien, quand nous avons du goût dans la prière, quand nous combattons pour la justice, etc. Aujourd’hui, quelle que soit notre condition, nous pouvons demander au Seigneur de continuer son œuvre en nous et de faire de nous des saints, des hommes et des femmes qui vivent de son amour ! Amen.