De la guérison au pardon

13 octobre 2013 – Saint Hippolyte

XXVIIIe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
 – ANNÉE C

1re lect. : 2 R 5, 14-17
Ps : 97, 1, 2-3ab, 3cd-4a.6b
2e lect. : 2 Tm 2, 8-13
Évangile : Lc 17, 11-19

Les signes que Jésus pose dans le domaine visible sont toujours à la fois un bienfait pour ceux qui les reçoivent (les lépreux d’aujourd’hui) et un bienfait pour ceux qui les contemplent (nous qui lisons l’évangile). En contemplant la guérison de ces dix lépreux, nous pouvons voir ce que le Seigneur veut faire en nous. En effet, cette lèpre dont une dizaine d’hommes sont délivrés par leur obéissance à la parole de Jésus est une figure du mal dont le Seigneur veut nous sortir par la force de sa parole. 

Remarquons tout d’abord que cette lèpre exclut de la société des hommes. Les dix lépreux n’osent pas s’approcher de Jésus, ils restent à distance car ils sont, par la loi, retranchés de la communauté humaine. De manière similaire, notre mal nous enferme et nous chasse loin des autres. Nous savons bien que toutes les fois que nous péchons, lorsque nous mentons par exemple, nous étendons comme un voile entre l’autre et nous; la parole qui vise à rejoindre l’autre, à le connaître, à le rencontrer cœur à cœur, devient par le mensonge le lieu d’un éloignement, d’une séparation qui empêche la relation véritable dont nous avons tellement soif. Les lépreux que nous sommes ne sont pas exclus par une loi extérieure mais c’est la loi même de notre mal qui nous entraîne loin des autres, c’est la logique même de nos péchés qui nous empêche de rejoindre les autres. Et quelle malédiction que de savoir qu’il y a entre l’autre et moi le poids permanent de mes offenses, que toutes les fois où j’essaie de m’avancer vers un autre, toutes les fois où j’essaie d’aimer, je suis pris dans le mal qui m’enchaîne : petits mensonges, petites compromissions, manipulations, etc. 

Quand donc réussirons-nous à aimer ? Quand donc pourrons-nous être guéris de cette lèpre ? Quand échapperons-nous à cet enfermement ?

Le Seigneur vient briser cet enfermement par sa parole. Il dit aux lépreux : allez-vous montrer au prêtre. C’est déjà dire qu’il les guérit puisque, selon la loi, on allait se montrer au prêtre pour attester la guérison. De la même manière, il dit aux pécheurs : allez-vous montrer au prêtre. 

Paul nous dit dans la seconde lecture : « on n’enchaîne pas la Parole de Dieu », et même plus puisque c’est elle qui vient nous délivrer ! La parole de Jésus brise la prison dans laquelle nous met notre mal. En disant : allez-vous montrer au prêtre, le Christ guérit les lépreux et les renvoie à la société des hommes, il leur permet d’entrer de nouveau en relation, d’aimer à neuf – le prêtre étant chargé d’attester la guérison pour qu’un terme soit mis à la quarantaine.

Il y a ici une image de ce qui se produit lorsque nous recevons le sacrement de réconciliation, lorsque nous confessons notre péché au prêtre. Nous savons bien que Dieu pardonne, il pardonne toujours, il n’a pas attendu que nous allions dire nos péchés pour nous pardonner mais il souhaite que nous allions faire constater cette guérison au prêtre en avouant notre mal afin que soit ouverte la porte de notre prison. Sa parole nous dit : n’aie crainte, je t’ai déjà pardonné, tu es déjà guéri, maintenant va te montrer au prêtre pour qu’il puisse constater cette guérison. Cette parole de pardon qu’il nous adresse par l’Écriture et qu’il nous dit au fond de notre cœur demande à trouver son accomplissement dans notre propre parole. Si nous voulons aller au bout de la libération que le Christ nous ouvre, il ne nous reste qu’à joindre notre parole à la sienne et c’est pourquoi notre guérison passe par la parole, par l’aveu humble de nos fautes dans lequel nous les confions au prêtre et par lequel nous en sommes délivrés.

Ainsi, nous retrouvons la parole et nous pouvons de nouveau être en relation. De même que c’est par la parole que dans nos relations d’amour et d’amitié nous pouvons briser le cercle du mal et de l’égoïsme, nous pouvons donner et recevoir le pardon (quelle libération que cette simple parole parfois où nous disons : je te demande pardon/je te pardonne et je t’aime, et pourtant comme il est dur de la dire ! quelle libération lorsque nous prenons à deux le temps de démêler par le dialogue l’écheveau de nos incompréhensions, des petits maux que nous nous infligeons mutuellement !), de même dans la confession, c’est par la parole grâce à laquelle nous ouvrons notre blessure et la laissons voir à un autre que le Seigneur nous en guérit.

Le samaritain qui revient vers le Seigneur à la fin est le seul qui soit allé au bout de ce chemin qui le réintroduit pleinement. Cette fois-ci, il ne reste pas à distance, il embrasse les pieds de Jésus, cette fois-ci, sa voix glorifie Dieu à pleine voix ! 

Cette libération pleine et entière de notre parole, cette capacité d’aimer en vérité, de ne plus ressentir comme un éloignement des autres, d’être capable de louer le Seigneur de tout notre cœur, c’est notre plus grand désir. Pour l’obtenir, laissons le Christ venir en nous, par sa parole, briser tous les liens qui nous enserrent, disons-lui, crions-lui : « Jésus, maître, prends pitié de nous » et, forts de sa parole, allons avec confiance nous montrer au prêtre. Amen.